La revue Concurrences vient de faire paraitre une interview croisée de François Hollande et Nicolas Sarkozy (lien). De nombreux thèmes concurrentiels y sont abordés dont celui de l’introduction de l’action de groupe en France.
1. L’avis des candidats
François Hollande est favorable à ce que les consommateurs disposent d’un moyen d’agir groupés pour obtenir réparation de préjudices causés par les infractions les plus graves et dommageables aux règles de la concurrence, son mandat serait celui de la mise en place assurée d’une procédure d’action de groupe. Il souhaite toutefois éviter les excès de la “class action” américaine. Une référence est faite à l’action de groupe d’ores et déjà instaurée au sein d’autres pays européens. Peut-être est-ce une piste de réflexion envisagée par François Hollande afin d’éviter cesdites dérives.
Nicolas Sarkozy se montre également favorable à l’introduction d’une class action à la française. Il souligne que l’introduction d’un tel mécanisme participerait à dissuader les entreprises de mettre en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles. En effet, la menace d’une telle action de groupe permettrait d’éviter que certains groupes qui disposent d’un pouvoir de marché important décident d’en abuser. L’introduction de la class action est ainsi perçue par Nicolas Sarkozy comme un moyen de lutte directe et indirecte mise à la disposition du consommateur et ainsi que la protection du marché. Il souligne également les dérives américaines liées à ce mécanisme.
2. Les dérives de la class action américaine
La class action américaine a connue de nombreuses dérives. L’une des causes majeures est liée au fait que les cabinets américains sont payés en pourcentage des sommes gagnées par leurs clients, il s’agit des “contingency fees“. Certains avaient ainsi sollicité (en les payant parfois) des consommateurs afin d’organiser une action de groupe massive. Ainsi, ils ont pu obtenir une transaction avec ces entreprises. Rappelons que ces actions font l’objet d’une médiatisation importante et qu’un tel recours devant la justice est l’assurance d’une perte de crédibilité de l’entreprise concernée. Dans le cas d’une réelle atteinte à la concurrence, cette menace ne semble pas poser problème. En revanche, une entreprise en conformité avec le droit de la concurrence pourrait avoir a craindre l’ouverture d’une action de groupe à son encontre. Dès lors, la simple menace d’une telle procédure, suivie d’un accord amiable probable, est un risque à considérer.
3. Les questions juridiques liées à l’action de groupe
Notons qu’aucun des deux candidats ne s’exprime sur les problèmes liés à la mise en oeuvre de l’action de groupe. Il est par exemple un principe que nul ne plaide par procureur, tout défendeur devant avoir à se défendre contre une personne déterminée. Or, l’action de groupe vise à établir une procédure où un groupe anonyme serait demandeur. La comptabilité de ce mécanisme avec l’article 6 de la Convention EDH n’est pas assurée.
Aussi, une grande question concerne les dommages-intérêts octroyés. Tout d’abord, eut égard aux dommages et intérêts punitifs. Globalement absents du droit européen, il n’est pas exclu qu’ils soient prochainement consacrés au sein de divers États de l’Union européenne. Ensuite, concernant leur montant. Chaque partie doit être indemnisée de son dommage en entier, mais de son unique dommage. Il semble dès lors difficile de pouvoir allouer des dommages-intérêts identiques à chacune des parties, le dommage étant nécessairement différent.
Enfin, des questions matérielles de posent. Si le système de l’exemption individuelle au profit de celle collective fut abandonné en raison d’un surcroit du nombre de dossier, comment imaginer que les juges en charge de dossier d’action de groupe puissent correctement traiter chaque dossier ? Dès lors, ne faut-il pas imaginer des seuils d’admissibilité ?
Ces prises de position des candidats vont en un sens incontestablement favorable à l’introduction de l’action de groupe. De multiples précisions doivent encore être apportées. Et si ce chantier juridique était celui du prochain quinquennat à l’instar de la question prioritaire de constitutionnalité ?
Thibault Schrepel.
[…] l’introduction d’une action de groupe tant les consommateurs pourraient être lésés (voir l’article sur l’introduction de la class action en France). S’il est avéré que les taux relatifs à l’épargne, aux prêts et hypothèques […]