The “Antitrust Letter” is a new monthly series of articles written in french and english by founding member Thibault Schrepel. Each month’s release will analyze major changes within United States antitrust law and legal precedents, whilst contrasting and occasionally drawing parallels to European antitrust legal issues.
“Antitrust Letter” est la nouvelle chronique mensuelle du Concurrentialiste rédigée par Thibault Schrepel, l’un des membres fondateurs de la revue. Chaque nouveau numéro aura pour objet d’étudier les événements marquants liés au droit de la concurrence américain. Publiée en français et en anglais, cette lettre sera également l’occasion d’établir une étude comparative avec le droit européen de la concurrence.
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Sommaire / Table of contents
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(French version) Audiences du procès d’Apple et livres électroniques
Un des plus grands procès antitrust de l’année s’est ouvert le 3 juin 2013 dernier. Le Justice Department y accuse Apple et cinq éditeurs (HarperCollins, Penguin, Hachette, MacMillan, and Simon & Schuster) de s’être entendus afin d’augmenter le prix des e-books (1). Le gouvernement a par ailleurs qualifié Apple de “ringmaster” (coordinateur principal), dénonçant deux éléments :
- Le premier concerne l’utilisation des “agency model“. Dans ce modèle, les éditeurs sont libres de fixer le prix des livres, et les distributeurs (tels que Apple ou Amazon) récupèrent une redevance (d’environ 30%) auprès des éditeurs sur chaque livre vendu. Amazon a pendant longtemps utilisé le “wholesale model” qui est généralement utilisé pour la vente des livres en dur. Dans ce modèle, l’éditeur vend les livres au distributeur à un prix fixé (généralement 50% du prix final constaté) et le distributeur est ensuite libre de revendre ses livres au public au prix de son choix. Après l’introduction d’Apple sur le marché des e-books, plusieurs éditeurs ont refusé de vendre des livres à Amazon en raison de son utilisation du “wholesale model“. Cette dernière a donc accepté de migrer vers le “agency model“. Le gouvernement allègue qu’Apple et quelques autres distributeurs se sont entendus afin d’augmenter les prix de vente en laissant les éditeurs libres de choisir les prix.
- Le second concerne les clauses dites de “most favored nation“. Cette clause permet d’exiger qu’un éditeur vende ses e-books à Apple à un prix qui soit identique ou inférieur à celui proposé aux autres distributeurs. Cette clause permet également à Apple d’exiger, dans le cas où la vente à un autre distributeur se fasse à un prix plus bas qui lui ait proposé, que l’éditeur relève le prix au niveau de celui communiqué à Apple. Apple défend l’introduction de cette clause expliquant qu’elle permet de garantir le prix le plus bas possible à ses consommateurs. Le gouvernement relève quant à lui (i) les nombreuses augmentations de prix réalisées chez les autres distributeurs afin de s’aligner sur le prix d’Apple, (ii) ainsi que l’élimination de la concurrence par le prix. Le système ainsi mis en place par Apple était le suivant : Apple exigeait que les éditeurs proposent leurs e-books à 70% du prix le plus bas offert aux autres distributeurs. De cette façon, Apple pouvait vendre ses livres au prix le plus bas du marché tout en conservant sa marge de 30%.
Des interrogations existent quant à l’interprétation que feront les juges de la clause dite de “most favored nation“. Depuis l’arrêt Leegin rendu en 2007 par la SCOTUS (Supreme Court of the United States) sur les restrictions verticales (2), sont seules considérées comme étant condamnables per se les pratiques “qui seraient toujours ou presque toujours susceptibles de restreindre la concurrence et réduire la production”. Les clauses de “most favored nation” sont analysées par un grand nombre de spécialistes comme, en fonction des faits d’espèce, susceptibles d’augmenter la concurrence sur le marché. À la lumière des faits d’espèce, il semblerait donc que la règle de raison soit plus à même d’être utilisée. Dès lors, la question se résumerait à savoir si le gouvernement sera capable de prouver que l’existence de ces clauses combinées à un “agency model” permet de caractériser la participation d’Apple à une entente. Notons que les cinq éditeurs ont d’ores et déjà accepté un arrangement avec le gouvernement pour une somme totale de plus de 164 millions de dollars (environ 130 millions d’euros).
(English version) Hearings in Apple e-books trial
One of the year’s biggest antitrust trials started June 3, 2013. The DOJ accused Apple and five editors of artificially increasing e-books prices (1). Apple was qualified as the “ringmaster”. Two main elements were denounced:
- The first concerns the use of an “agency model”. In this model editors are free to fix prices, and distributors (such as Apple and Amazon) recover a 30% royalty on each sold book. In contrast, Amazon used the “wholesale model” for a long time. With this model, the editor sells the book to the distributor who remains free to set the final price. Amazon finally changed its model after several editors’ requests to do so.
- The second concerns the use of the “most favoured nation” clause. This contractual clause requires that all editors selling e-books to Apple have to do so at prices equal or inferior to those offered to other distributors. Apple explained that this clause guarantees the lowest price to its consumers. The DOJ noted that (i) it has led to price increases and that (ii) it kills price competition.
Questions exist as to the interpretation of the “most favoured nation” clause. The Leegin case (2) rules that vertical restraints are per se illegal in any situation “that would always or almost always tend to restrict competition and decrease output.”. It appears that the “most favoured nation” clause can have some pro-competitive effects. Therefore, it is very likely that the rule of reason will be used by SCOTUS judges. One of the final questions will then be: is the “agency model” combined with the “most favoured nation” clause enough to characterize a cartel?
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(French) Encadrement de la class action : American Express v. Italian Colors Restaurant
Les actions de groupe (ou class actions) n’ont pas fini de faire parler d’elles. Les juges de la Cour Suprême des États-Unis semblent être soucieux de préserver un bon équilibre entre nécessité des class actions ce afin que le consommateur puisse faire valoir ses droits, et droit des entreprises à exercer leur activité sans être victime de chantages juridiques.
La SCOTUS a jugé le 20 juin 2013 dans sa décision American Express v. Italian Colors Restaurant (3) que la présence dans des contrats de consommation d’une clause d’arbitrage individuel permettait d’empêcher l’introduction de toute action de groupe. Au cas d’espèce, un restaurant et d’autres entreprises avaient intenté une action de groupe contre American Express pour violation de la section 1 du Sherman Act. Cette dernière imposait en effet des frais excessifs aux commerçants. En raison de la présence d’une clause d’arbitrage individuel dans les contrats conclus entre American Express et les restaurateurs concernés, l’introduction de la class action fut rejetée.
La décision, écrite par Justice Scalia, fait état des potentiels effets dramatiques des class actions, forçant parfois les entreprises à conclure des arrangements dans des cas où les demandes sont futiles ce afin de préserver l’image de la société (4). Les juges ont également profité de cette décision pour rappeler que l’arbitrage relève de la matière contractuelle. Cette décision est perçue par certains comme étant une retentissante victoire de la liberté contractuelle. D’autres dénoncent la mise à mort de la class action, une simple clause contractuelle permettant de s’affranchir du respect du droit fédéral. Il s’agit en d’autres termes de savoir si la class action est un droit fondamental du citoyen américain qui prévaut sur les conventions privées.
(English version) Framing the class action: American Express v. Italian Colors Restaurant
SCOTUS judges appear to be mindful of maintaining a right balance between class action consumer necessity and companies’ rights to conduct their activities without any judicial blackmail.
On June 20, 2013, in American Express v. Italian Colors Restaurant, the SCOTUS stated that in consumer contracts, the presence of a clause setting individual arbitration prevents the introduction of any class action. Justice Scalia reported the tragic effects that class action can have on companies by forcing them to settle frivolous demands (3). Many analysed this decision as the victory of freedom of contract while others saw it as the death of class action, a simple contractual clause flouting federal law (4). In other words, the question is whether class action is a fundamental right prevailing over private conventions.
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(French version) Tesla et la revente directe au consommateur
Tesla est une florissante entreprise américaine de production de voitures électriques qui se heurte aux règles américaines de la franchise. Le droit de la franchise américain est régi par chaque État. Plusieurs d’entre eux (dont la Caroline du Nord, le Texas et New York) imposent que les constructeurs automobiles vendent via des revendeurs indépendants. Tesla a pourtant récemment fait part de sa volonté de vendre directement au consommateur. Une des raisons principales du choix opéré par Tesla semble être liée au faible investissement dans l’image de marque des revendeurs indépendants. Également, Tesla peut espérer une baisse des prix en supprimant les coûts d’intermédiaires.
L’obligation faite à Tesla de passer par un intermédiaire est le fait de divers lobbies américains. Plusieurs arguments sont avancés afin de justifier ce système, (i) la nécessité de créer une concurrence entre les revendeurs, (ii) d’avoir un service plus proche du consommateur, (iii) la plus grande capacité des revendeurs à respecter les réglementations locales. Quoi qu’il en soit, si le premier argument semble faire fi de la marge récupérée par les revendeurs, les deux autres semblent relever d’un choix stratégique que l’entreprise doit opérer. Le droit de la concurrence/franchise a-t-il vocation à se mêler des orientations stratégiques des entreprises ? (5) Le débat est lancé (6). Notre réponse est largement négative.
Si Tesla parvenait toutefois à vendre directement au consommateur, il se pourrait que General Motors et Ford Motor soient tentés par l’aventure, eux qui avaient flirté avec ce modèle à la fin des années ’90 (5). L’enjeu est donc de taille.
(English version) Tesla and direct sell networks
Franchise laws are governed by State laws. Many of them (North Carolina, Texas, and New York, for example) require that car manufacturers sell through independent retailers. Tesla recently announced its intention to sell directly to consumers.
Lobbies use different arguments to justify these laws, saying that they (i) allow competition between retailers, (ii) encourage proximity between companies and consumers, (iii) and simplify the respect of local regulations. It appears that these different points concern companies strategic orientations (5). Are franchise laws made to interfere with companies’ strategies? This debate has started (6). Our answer is strongly negative.
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(French version) Mise en question des “pay-for-delay deals” : FTC v. Actavis
Le 17 juin 2013, la SCOTUS a jugé dans sa décision FTC v. Actavis, Inc. (7) que les “pay-for-delay deals” étaient sujets à l’examen du droit de la concurrence. Le test qu’utilisait préalablement la Cour Suprême, qui présumait la légalité de tels accords, est ainsi définitivement écarté.
Dans ce type d’arrangements, le titulaire d’un brevet paye un génériqueur afin que ce dernier n’intègre pas le marché. La Cour Suprême a fait état des possibles effets anticoncurrentiels d’une telle pratique, effets qui devront être analysés au cas par cas. Pour cette raison, les juges ont imposé l’utilisation de la règle de raison, écartant ainsi toute condamnation per se mais refusant également de faire application de la procédure dite de “quick look“. Cette décision intervient par ailleurs sur le secteur pharmaceutique, Actavis étant l’une des plus grands génériqueurs américaines.
(English version) Questioning “Pay-for-delay deals”: FTC v. Actavis
On June 17, 2013, the SCOTUS in FTC v. Actavis, Inc. (7) held that “pay-for-delay deals” were subject to an antitrust analysis. In doing so, the Court rejected a per se rule of legality based upon the “scope of the patent” test.
In such arrangements, a drug manufacturer compensates a potential generic entrant not to sell its generic drug product for a number of years. Because this agreement can have some anti-competitive effects, the Supreme Court stated that the rule of reason should apply. Therefore, it is also important to note that these deals are not submitted to either the per se or the quick look analysis.
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(French version) La chasse aux patents trolls est ouverte patent troll
Si le thème des patents trolls est incontestablement l’un de ceux les plus à la mode, il semblerait que les autorités américaines se soient enfin décidées à prendre les devants. Le 4 juin 2013, la Maison-Blanche a fait paraître un rapport dénonçant les lacunes du système de brevets actuel (8). Plusieurs remèdes sont évoqués (9), dont notamment la possibilité d’introduire une analyse concurrentielle avant la délivrance des brevets. Une telle pratique mettrait fin à la situation incongrue que l’on connaît actuellement en Europe et aux États-Unis consiste à délivrer un brevet sans évaluer la vitalité du marché concerné ni les risques concurrentiels liés (10). Pendant ce temps, les instances européennes demeurent quasi-inertes sur la question.
(English version) Patent-trolls hunting is open
Patent-troll is one of the most fashionable antitrust topics of the year. On June 4, 2013, the White House published a report on it, blaming the actual patent system (8). A few remedies were presented (9), including the possibility of introducing an antitrust analysis before delivering a patent. This would end the incongruous situation that we actually know in both the US and EU, where patents are granted without any analysis of either the market vitality or the competitive risks (10).
by Thibault Schrepel
——————– Notes de bas de page / Footnotes
- (1) Voir les slides du gouvernement / government slides : here
- (2) Leegin Creative Leather Products, Inc. v. PSKS, 2007 : here
- (3) American Express Co. v. Italian Colors Restaurant, June 20, 2013 : here
- (4) Binyamin Appelbaum, “Justices Support Corporate Arbitration”, NYT, June 20, 2013 : here
- (5) Dan Crane, “Tesla and the Auto Dealers Lobby”, Truth on The Market : here
- (6) Mike Ramsey, “Tesla Clashes With Car Dealers”, WSJ, June 18, 2013 : here
- (7) Federal Trade Commission v. Actavis, June 17, 2013 : here
- (8) White House Task Force on High-Tech Patent Issues, June 4, 2013 : here
- (9) Jared Favole / Brent Kendall, “Obama Plans to Take Action Against Patent-Holding Firms”, WSJ, June 4, 2013 : here. Also, Matt Levy, “The FTC Chairwoman Calls Out Patent Assertion Entities”, June 20, 2013, Patent Progress : here
- (10) Pour plus d’information sur cette notion / For more informations about patent trolls, see Thibault Schrepel, “Patent troll through the US and EU antitrust law: when cooperation is no longer an option”, European Competition Law Review, May 2013
[…] Schrepel, a 2013 LL.M Graduate of Brooklyn Law School, has published the first Antitrust Letter, a new monthly series of articles written in both French and […]
[…] Schrepel, a 2013 LL.M Graduate of Brooklyn Law School, has published the first Antitrust Letter, a new monthly series of articles written in both French and […]
[…] Letter, in June 2013, Le Concurrentialiste evoked the ‘Tesla case’ for the very first time (1). On March 26 (2), a group of 70 economists, law professors and experts co-signed a letter sent to […]
[…] (2) Voir la Antitrust Letter #1: link […]