Pour (éventuellement) citer cette étude :
Thibault Schrepel, Petit précis sur l’ « innovation prédatrice » à l’usage des dirigeants d’entreprises, Revue Libellio d’AEGIS, Vol. 13, n° 1, pp. 131-139 (2017)
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Chers lecteurs,
Je suis heureux de vous présenter mon nouvel article écrit pour la Revue Libellio d’Aegis qui est rattachée au Centre de Recherche en Gestion de l’Ecole Polytechnique X. Intitulé “Petit précis sur l’innovation prédatrice à l’usage des dirigeants d’entreprises », j’y traite d’une question qui m’est chère puisqu’elle était le sujet de ma thèse de doctorat : l’innovation prédatrice.
Les pratiques qui se rattachent à cette notion de droit – trop peu connue des entreprises comme de leurs conseils – sont au centre de la Nouvelle Économie. Cet article permet d’en appréhender les contours, d’évoquer leur fréquence d’apparition ainsi que les plus grands arrêts en la matière. Il en ressort que le régime juridique aujourd’hui applicable à l’innovation prédatrice est trop mal défini, ce qui constitue un double défi qu’il convient de relever rapidement. Quelques enseignements pour les dirigeants d’entreprises en découlent.
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Un article plus juridique viendra prochainement compléter cet essai qui est avant tout destiné aux dirigeants d’entreprises mais qui intéressera aussi, je l’espère, tous les spécialistes du droit de la concurrence. Il se destine en effet à tous les avocats et juristes d’entreprises qui interviennent sur les marchés liés aux nouvelles technologiques, que ce soit pour argumenter de nouvelles demandes, défendre une position en défense ou pour mettre en oeuvre des programmes de conformité qui soient adaptés aux problématiques nouvelles.
Je profite de ces quelques lignes pour remercier le Professeur Hervé Dumez – Directeur de la Revue – pour ses précieux conseils lors de la rédaction de cet article et je vous laisse avec les quelques propos introductifs. En vous souhaitant une bonne lecture,
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On estime généralement que la concurrence est bonne en ce qu’elle pousse les entreprises à baisser leurs prix, ce qui profite au consommateur. Pourtant, le droit de la concurrence condamne dans certains cas précis la baisse des prix qu’elle considère comme prédatrice, c’est-à-dire visant à éliminer le processus concurrentiel lui-même. Une situation analogue concerne le processus d’innovation. C’est par l’innovation que s’opèrent la concurrence et le bénéfice que les consommateurs en tirent, pourtant, certains comportements d’innovation peuvent être considérés comme prédateurs et être sanctionnés. L’innovation étant de plus en plus centrale dans la dynamique économique contemporaine, le sujet mérite qu’on s’y arrête. Outre son intérêt sur le plan théorique, il a en effet des conséquences managériales importantes.
Les dirigeants et chefs d’entreprises doivent en effet être particulièrement vigilants quant à la problématique de l’innovation prédatrice, et ce, pour trois raisons principales :
- Il n’est pas exclu qu’ils mettent en œuvre des stratégies qui relèvent de l’innovation prédatrice sans avoir toujours conscience du risque juridique encouru.
- Il n’est pas rare que de telles stratégies soient mises en œuvre sur les marchés des nouvelles technologies. Pour le dire autrement, il serait dommage qu’une entreprise subisse de telles pratiques de la part de ses concurrents sans demander à ce que celles-ci soient soumises à un contrôle au titre du droit de la concurrence.
- La troisième raison réside dans le flou juridique qui entoure les pratiques d’innovation prédatrice. Ces dernières ne sont pas reconnues comme telles par le droit qui les sanctionne sous diverses étiquettes – souvent mal adaptées et qui s’inscrivent dans l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui punit les abus de position dominante. Les entreprises doivent être d’autant plus vigilantes que le cadre juridique de ces pratiques est encore mal défini, mais qu’elles n’en demeurent pas moins lourdement sanctionnées.
Dans un premier temps, cet article propose ainsi de présenter cette notion trop peu connue qui fait pourtant référence à des pratiques courantes et souligne pourquoi il est important que les dirigeants d’entreprise sachent identifier les pratiques qui en relèvent, que ce soit pour s’en défendre ou pour ne pas les subir. Dans la pratique, le fait de proposer une nouvelle version d’un produit au consommateur semble être toujours exempt d’une sanction au titre du droit de concurrence, mais il n’en est rien. L’innovation peut en effet être jugée comme étant prédatrice par le juge dans certaines conditions et une entreprise doit ainsi savoir identifier précisément quels types « d’innovation » peuvent en relever et/ou savoir comment se défendre devant le juge.
Les pratiques d’innovation prédatrice sont en effet plus complexes à identifier que ne le sont les prix prédateurs qui sont sanctionnés par le droit de la concurrence. Ces derniers impliquent traditionnellement que l’entreprise en position dominante supporte des pertes dans un premier temps dans l’espoir de les recouvrer dans un second temps. S’il est possible que les pratiques d’innovation prédatrice impliquent de telles pertes, le caractère systématique de ces dernières est loin d’être généralisé. Au contraire, les pratiques d’innovation prédatrice n’impliquent généralement pas de perte à court terme, il est donc essentiel que le chef d’entreprise ne focalise pas son attention sur ce seul point afin de juger de la légalité des pratiques de son entreprise.
Il s’agit, dans un second temps, d’évoquer la fréquence d’apparition de ces pratiques dont il est nécessaire de réaliser l’importance en terme économique. Diverses affaires – qui concernent des entreprises aussi importantes que Microsoft, Intel, Apple et IBM – illustrent par ailleurs le risque juridique qu’encourent les entreprises qui opèrent sur les marchés technologiques – sur lesquels nous concentrons la majorité de nos analyses. Ainsi, outre la fréquence d’apparition de ces pratiques, il convient d’attirer l’attention des dirigeants d’entreprises qui peuvent être lourdement sanctionnées. Il ressort de ces différentes affaires que le régime juridique aujourd’hui applicable à ces pratiques est trop mal défini, ce qui constitue un double défi qu’il convient de relever rapidement. Nous en tirons également des enseignements pour les dirigeants d’entreprises qui peuvent et doivent se prémunir de leur mise en œuvre.